Livres

02 avril 2001
Exclu parce que j'ai aimé

par

Pierre GALESNE



Cet ouvrage, qui n'est pas essentiel dans la bibliothèque d'un rationaliste, a néanmoins le mérite de décrire la vie dans un séminaire dans les années 50 ainsi que l'analyse biaisée de la nature de l'Eglise par un catholique sincère et déçu. On y apprend aussi que le presbytère de Melesse était entretenu par la commune.
Le titre de l'ouvrage « exclu parce que j'ai aimé » ne laisse pas à penser qu'une partie importante de l'ouvrage est consacrée à la description de la vie du séminariste. On comprend qu'exclu de l'Eglise, Pierre Galesne ait un profond sentiment d'amertume. Endurer une vie austère peut être supportable si l'on sait qu'au bout on trouvera le bonheur. Mais se faire exclure d'une manière que l'on estime injuste remet en question tout une partie importante de sa propre vie.
Les conditions de vie décrites par Pierre Galesne ont de nombreux points communs avec celles qui régnaient dans certains pensionnats catholiques de l'époque, jusque dans les années 60. Je ne peux m'empêcher de faire la comparaison avec les souffrances que j'ai enduré pendant quatre ans au Collège St Jean-Baptiste de Guérande. Aujourd'hui, on parlerait de sévices. Pendant quatre longues années, j'ai été la tête de Turc d'un « frère » qui reproduisait peut-être ce qu'il avait lui-même subi lorsqu'il avait été pensionnaire pour devenir religieux ; c'est du moins la seule excuse que je pourrais lui trouver.
Je n'entrerai pas dans les détails ici ; ils sont très semblables à ceux décrits dans l'ouvrage de Pierre Galesne. Je ne parlerai pas ici des nuits blanches que j'ai passé à apprendre par cœur des pages et des pages d'alexandrins pour des faux prétextes disciplinaires, je ne parlerai pas ici d'autres tortures morales qui feront l'objet d'une publication plus fournie. J'ai l'impression que les méthodes « d'éducation » étaient les mêmes. Etaient-ce les méthodes traditionnelles utilisées dans toutes les pensions à cette époque ? N'étaient-elles que celles propres aux écoles catholiques ?
Etre pensionnaire dans de tels établissements était une double punition ; déjà y être élève, et en plus pensionnaire.

Mon passage dans cet établissement guérandais m'a écarté très tôt de la religion catholique et du théisme en général. Contrairement à Pierre Galesne, je n'ai pas considéré que l'Eglise pouvait être réformée. Beaucoup plus tard, j'ai analysé la structure de cette Eglise. Il n'y a rien à l' évidence qui puisse laisser la place à un semblant de démocratie. L'Eglise est une théocratie. Pierre Galesne peut rêver : jamais l'Eglise ne laissera élire ses évêques par les fidèles de base. Ou alors, cela ne sera plus la même Eglise. N'oublions pas que l'Eglise catholique est double ; c'est une Eglise au sens religieux et c'est aussi un Etat politique.
L'Eglise possède sa propre logique. Quand elle propose à Pierre Galesne la réduction à l'état de laïc, il n'y a rien à redire. C'est même une solution assez sympathique que je ne connaissais pas ; pour moi, rompre ses engagements était punissable de l'excommunication. N'oublions pas que le prêtre s'engage par serment. Que l'Eglise lui permette de rompre ce serment est une solution fort respectable. Elle reconnaît ainsi que l'homme peut évoluer dans ses convictions.

Pierre Galesne aurait pu devenir enseignant dans « l'enseignement libre ». Il a préféré se recycler et s'engager dans une toute autre voie, celle de l'industrie. Beaucoup d'autres prêtres qui sont restés dans l'anonymat se sont ainsi fondus dans la vie civile à la différence de Turmel qui a toujours voulu conserver son état de prêtre.

Pierre Galesne avait deux solutions intéressantes pour rester catholique : ou bien rester prêtre et renoncer à la vie maritale, ou bien renoncer à son état de prêtre et devenir un laïc reconnu par l'Eglise. Il pouvait aussi renoncer à la religion catholique tout en restant chrétien en devenant protestant. Il pouvait aussi créer sa propre religion. Il pouvait aussi renoncer à toute religion et être en relation directe avec son Dieu. Après tout, n'est-ce pas cela le plus essentiel pour un théiste ? Mais vouloir le beurre et l'argent du beurre est à mon sens soit malhonnête, soit irrationnel.

Pierre Galesne voudrait réformer l'Eglise comme Loisy, Turmel ou Gaillot. Tous s'y sont employés sans résultat car ils ont fait une analyse erronée. Pourtant la solution existe pour changer l'Eglise : faire la révolution comme en 1789 quand la République a fait sauter la Monarchie.

Pour paraphraser J. P. Chevènement, un ministre du culte ça ferme sa gueule ou sa démissionne ! Mais tout ceci n'est qu'une cuisine interne entre réformateurs qui ne regarde que les gens d'Eglise et n'est qu'anecdotique pour un athéiste rationnel convaincu.

François Claude