Le mot de François Robert

14 février 2002

Horreur de Guer

« La coordination d'associations «Glad» (patrimoine) organisait ce week-end à Redon son premier Salon des patrimoines. Elle en a profité pour dénoncer -- avec humour - le peu de cas que font parfois les aménageurs de leur patrimoine. Un prix de la « plus belle horreur » a été décerné. »

« Les votants avaient le choix entre seize "horreurs", surtout repérées par les bénévoles des associations dans la partie morbihannaise du pays de Redon ou de Ploërmel. Les prix sont tous allés dans cette direction. Le premier a été attribué à Guer où, à l'entrée de la ville en venant de Maure-de-Bretagne, une croix XIXème est à demi masquée par des panneaux publicitaires » … (Ouest-France 11 février 2002)

Une publicité chasse l'autre.

Les supports publicitaires actuels sont recouverts d'affiches éphémères qui se succèdent à un rythme soutenu, ce qui n'était pas le cas des publicités peintes comme on peut encore en voir sur certaines façades. Quelques-unes sont même conservées au titre du patrimoine : Dubo … Dubon … Dubonnet en est un exemple. Les messages publicitaires du début du XXème siècle étaient ainsi écrits pour une durée beaucoup plus longue que ceux d'aujourd'hui, durée suffisante pour en considérer quelques-uns comme éléments du patrimoine.

La croix du XIXème siècle n'était-elle pas elle-même un message publicitaire à destination d'une population en déclin religieux ? Message qui se voulait probablement éternel. Plusieurs « missions » de révangélisation se sont succédées à la fin de XIXème, marquant leur passage et leur territoire à reconquérir de croix. Pas n'importe quelles croix, pas de ces croix celtiques souvent discrètes et sobres. La croix missionnaire typiquement XIXème est généralement un chef d'œuvre de mauvais goût, dotée d'un christ torturé, épinglé et parfois même sanguinolent. Belle image pour une religion !
Rappelons que le véritable symbole de la religion catholique est la résurrection et non pas la crucifixion. D'autres religions d'origine chrétienne représentent un christ vêtu de blanc, les mains ouvertes et souriant : le christ ressuscité. Pour certaines, un simple rai de lumière symbolise l'esprit Dieu. Enfin, plusieurs religions ont choisi de ne pas représenter Dieu, ce qui est finalement raisonnable et logique.
L'art religieux catholique est sans doute le seul, à présenter une telle quantité de scènes de tortures dans son statuaire et ses oeuvres peintes. Ce n'est pas vraiment un encouragement à épouser une telle religion, plutôt morbide.

D'aucuns se plaignent de la nuisance des panneaux publicitaires au bord des routes. Les non-croyants et les adeptes d'autres religions ne devraient-ils pas se plaindre eux-aussi de cette publicité agressive en faveur d'une religion qui leur est étrangère ? Nos concitoyens sont-ils donc tellement conditionnés par des siècles de puissance religieuse qu'ils ne voient dans ces croix qu'un simple élément du patrimoine ? Rappelons que les « missions » évangéliques ne se sont pas uniquement déroulées dans les lointaines colonies ; les métropolitains étaient eux-aussi la cible de l'Eglise catholique.

Si ces croix du XIXème avaient été en papier comme les affiches actuelles, elles auraient eu au moins le mérite de disparaître rapidement. Loin de vouloir les supprimer totalement, on pourrait en sélectionner quelques-unes parmi les plus significatives pour les présenter dans un musée du support publicitaire.

Qu'elle est donc la plus belle horreur de Guer : la croix ou l'affiche ?

François Robert le 14 février 2002 « Les Athées d'Ille et Vilaine » http://ativ.free.fr

Post scritum : Les publicitaires versent une location conséquente aux propriétaires des terrains où sont implantés les panneaux.
Question 1 : À qui appartiennent les terrains où sont plantées les croix ? Sont-ils privés ou publics ?
Question 2 : Les propriétaires reçoivent-ils un loyer de l'Église ?