La chronique de la dame athée

31 août 2001

Le péril secte

      « Quand on veut se débarrasser de son chien, on dit qu'il a la rage » (proverbe). Et maintenant quand on veut se débarrasser d'un mouvement politique ou d'opinion qui dérange, on dit qu'il serait sectaire. Nous avons eu, par exemple, les laïques sectaires dont j'ai déjà parlé. Les gagnants de la rumeur crétine sont les francs maçons ; ils sont dorénavant talonnés à ma surprise par les trotskistes. Avant, il suffisait de les accuser de communisme ou d'extrême gauche, comme épouvantail, ça marchait à tous les coups. Seulement depuis la chute de l'empire dit soviétique russe, depuis que le parti de Robert Hue est devenu gauche plurielle, le bolchevique avec un couteau entre les dents a du plomb dans les gencives.

      Reste la secte. L'argument n'est pas encore usé, aussi les adversaires n'y vont pas avec le dos du goupillon. Ils y vont à la louche. Je cite « Le Courrier de la Mayenne » , lui-même repris par « Informations Ouvrières » - eh oui ! Je ne peux pas toujours lire « Témoignage chrétien ». Donc un certain Alain Dumait écrit que le trotskisme serait : « une secte politique adorant un gourou, Léon Trotsky, assassiné par Staline il y a soixante ans, endoctrinant ses adeptes, obligeant ceux-ci à lui verser au moins 10% de leurs revenus, à pratiquer toutes sortes de rites secrets ». Bonjour l'angoisse ! dans le genre « chéri fais-moi peur ! » y a pas mieux. Il faut dire que certains ont tellement l'habitude de voir les représentants des principales religions se mêler de politique qu'ils ne peuvent envisager qu'un parti politique ne soit également une religion.

      Pour compléter le tableau, nous avons le point de vue de J.P. Rioux (Ouest-France du 19 juin 2001) : (au Parti Socialiste), « des trotskistes en tenue camouflée y ont apporté leur sens de la discipline et leur marxisme increvable, leur résistance à tout ce qui pouvait bouger. Surtout, ils ont pu y répandre à l'aise leur laïcisme brutal, excellente machine à entretenir le mépris pour le catholicisme…» Voilà, « brutal », je cherchais le mot. Le laïcisme des gentils chrétiens est « ouvert » et le laïcisme des méchants trotskistes est « brutal ». Les trotskistes sont laïques, or le trotskisme est une secte, donc les laïques sont sectaires, CQFD. C'est sur des raisonnements d'une logique aussi imparable que se sont construites les religions. On voit le résultat !

      Enfin, pour échapper au nouveau péril rouge, il y a un moyen radical, gracieusement – une fois n'est pas coutume – offert par Roland Dumas. On reconnaît le trotskiste à son ramage. A propos de Lionel Jospin : « je me disais, il ne parle pas comme tout le monde, il ne parle ni communiste, ni catho, ni socialiste de la IIIème République. La structure de son langage, une logorrhée répétitive et plate, m'intriguait. J'ai compris, il a le vocabulaire des trotskistes, des vieux trotskistes » (Ouest-France du 22 juin 2001).

      Avis aux logorrhéiques, s'ils ne veulent pas être soupçonnés d'être membres de la secte trotskiste, ils devront abréger leurs discours. Perspective tragique ! Enfin, ce n'est pas gentil de rappeler que M. Jospin a un jour été de gauche, ça vous rendrait nostalgique pour un peu.

      Ceci dit, le jour où on reconnaîtra l'athéiste à son langage, nous pavoiserons. Un langage de bon sens devrait pourtant être facile à reconnaître, non ?


      La dame athée 31 août 2001