La chronique de la dame athée

07 décembre 2003

Tous voiles dehors

Après avoir assisté à un débat sur le voile et la loi cet été au parc des bois (Rennes) à l'occasion de la fête d'été, et plus récemment à un forum sur « la laïcité et le voile » à l'initiative des radicaux de gauche, après avoir échangé avec quelques jeunes filles « voilées », et suivi des émissions traitant le sujet dans l'audiovisuel, je pense être en mesure d'apporter quelques commentaires sur la question.

Tout d'abord, la confusion est d'emblée pratiquée entre le fait de porter le foulard dans la rue et celui de le porter l'école. Confusion entretenue par les jeunes musulmanes, dans laquelle tout le monde s'engouffre.
Il n'est demandé d'ôter le foulard qu'à l'école et c'est beaucoup trop, pourquoi ? On dit que l'école peut faire un geste et s'ouvrir aux filles voilées, mais la proposition inverse est également valable. Notre enseignement public ne vaut-il pas d'ôter le foulard ? Depuis 120 ans, les autres confessions et la majorité des musulmans d'aujourd'hui jouent le jeu de la laïcité, alors ?
Qu'est-ce qui pousse une poignée de jeunes mineures à tenir tête à l'autorité naturelle et nécessaire d'un proviseur de collège ou de lycée ? Qu'est-ce qui les fait refuser d'obéir jusqu'à porter l'affaire devant les tribunaux ? Tout ça pour un bout de tissu cachant les cheveux ?

Il a été question de problème d'identité, de respect de la personne, de choix personnel, de pudeur. Quand on pousse un peu la conversation, le choix personnel se résume à obéir aux préceptes du coran et la pudeur est « islamique », ce qui signifierait, pour ces jeunes que le coran serait supérieur aux lois de la République, ce qui n'est pas acceptable
Elles prétendent que si elles ôtent le foulard en classe, elles ne changeront pas d'idée, qu'elles le remettront à la sortie ; eh bien justement, raison de plus pour essayer ! Le ciel ne va pas leur tomber sur la tête ! On ôte sa casquette, on ôte son foulard aussi bonnement par respect pour l'établissement que l'on fréquente.
Ce refus obstiné est un manque de respect envers l'enseignement public. Quel bienfait peut-on tirer de cet enseignement sans un minimum de respect ?

On doute lorsqu'elles affirment refuser la politique et accepter tous les cours en classe. Le bémol vient très vite avec l'éducation physique et la piscine « dont on peut facilement se faire dispenser ». Le cas des piscines réservées aux femmes a été évoqué avec ce prétexte odieux présenté par une non-musulmane : « ainsi les femmes grosses pourront se mettre en maillot de bain ». On n'est plus à une incohérence près. Les filles musulmanes prétendent ainsi couvrir leur corps pour éviter le regard concupiscent des hommes et pouvoir montrer leur intelligence sans que l'attention soit détournée, bref être un pur esprit ; ce qui fait que d'un côté les femmes doivent se cacher car elles sont l'objet de convoitises, de l'autre elles doivent se cacher car elles sont complexées par leur corps. Tout est prétexte pour mettre la gent féminine hors circuit.

Comme l'affirme une femme chef d'entreprise : « le voile n'est pas un signe religieux comme un autre ». Il s'accompagne d'une perte du droit de la femme sur son corps. Importance de la virginité, refus de la contraception et de l'IVG … et même de la péridurale ! Tout cela imposé par le père et le mari ; La femme un peu libre dans certains quartiers se fait traiter de « pute » paraît-il ? Ce doit être vrai sinon le mouvement « ni pute ni soumise » n'existerait pas. Entre la « pute » et la femme « voilée », il y a des points communs : elles s'habillent en fonction des hommes, elles se prétendent libres de leurs actes, mais il y a derrière un homme qui les dirige.

« Entre une fille voilée et une autre en mini-jupe, je préfère la fille voilée », affirme Odon Vallet, historien des religions et catholique, appuyé par plusieurs prélats catholiques. Il compare ce qui n'est pas comparable. La mini-jupe ou le pull court appartiennent au domaine civil de la mode, adoptée librement et par définition passagère. Le voile appartient au domaine religieux ; il est imposé et immuable. En tout cas, ce choix est révélateur de l'état d'esprit de ces messieurs qui confondent dangereusement pudeur et pudibonderie. Il nous rappelle aussi que la misogynie n'est jamais bien loin lorsqu'on évoque les religions.

Pour revenir sur ce choix improbable : si la « fashion victim » l'est pour son plaisir, la « muslim victim », elle ne rit pas tous les jours. « Le voile n'est pas un signe religieux comme un autre ». Alors débat sur la laïcité ou sur le droit des femmes ?

Ceci dit, est-il besoin d'une loi, quand une vigoureuse circulaire su style de celle de Jean Zay (15 mai 1937)1, un rappel des principes laïques pourrait suffire ? Pourquoi tout ce battage ? Serait-ce pour de sordides raisons électorales et couper l'herbe sous le pied de l'extrême droite, ainsi que le suggère mon journal favori « Ouest-France » Ce serait mal connaître notre président, la proximité des élections n'est qu'une coïncidence…
Pourquoi une nouvelle loi quand il suffirait d'abroger la loi dite « Jospin » de 1989, principalement l'article 10 qui accorde aux élèves « une totale liberté d'expression » ? provoquant surtout une totale liberté d'interprétation y compris religieuse. Les élèves, avant d'avoir des droits, ont d'abord des devoirs … à rendre.

Quoiqu'il en soit, quand on remarque avec quel bel ensemble « œcuménique » les responsables religieux des trois cultes monothéistes rejettent cette future loi, on se dit qu'elle ne peut pas être totalement mauvaise.

1 « Ma circulaire du 31 décembre 1936 a attiré l'attention de l'administration et des chefs d'établissements sur la nécessité de maintenir l'enseignement public de tous les degrés, à l'abri des propagandes politiques. Il va de soi que les mêmes prescriptions s'appliquent aux propagandes confessionnelles. L'enseignement public est laïque. Aucune forme de prosélytisme ne saurait être admise dans les établissements. Je vous demande d'y veiller avec une fermeté sans défaillance. »


Damathée le 7 décembre 2003