La chronique de la dame athée

04 novembre 2001

Un cas d'école

      Pendant les frappes (c'est plus chic que de dire bombardements ; « dommages collatéraux » pour victimes civiles ; « guerres » pour mesures de représailles inutiles et dangereuses) les affaires continuent.

      On dit : « quand un vieillard africain meurt, c'est toute une bibliothèque qui brûle. » Mais quand une bibliothèque brûle, c'est une bibliothèque qui brûle avec toutes les idées, tout le savoir qui est dedans. Heureusement, avec l'imprimerie, peu de livres sont à un seul exemplaire ; elle peut être reconstituée. Mais qui pourra reconstituer la grande bibliothèque d'Alexandrie ? Les ouvrages perdus me manquent, même s'il m'aurait été difficile d'en prendre connaissance.

      Quand une bibliothèque brûle, on se moque de l'emballage, on s'inquiète de ce qu'il y a dedans. Quand une église brûle, on ne s'inquiète que de l'emballage. Il n'y a rien à l'intérieur et c'est contagieux.
      Elles fonctionnent comme une pompe à vide pour les esprits et le porte-monnaie. Plus les esprits se vident et plus les troncs se remplissent. A déconseiller aux ramollos du cogito. Mieux encore, on y entre avec ses propres idées et on y ressort avec les idées de l'officiant. A trop les fréquenter, on en arrive à faire n'importe quoi. Par exemple : accorder une subvention pour la reconstruction d'une église de quartier qui a brûlé, en contradiction avec la loi de séparation de l'Eglise et de l'Etat (construction postérieure à 1905) alors que les assurances s'occupent très bien de choses là.

      Il faut dire que le meilleur moyen pour un conseil municipal socialiste d'éviter de se faire éreinter par son opposition de droite est encore de devancer ses désirs. Il fallait y penser. Après, notre maire peut reprocher à son opposition d'être nulle. On aurait pu espérer une petite réaction, une vague objection de la part des communistes. Mais non, il y a longtemps que les communistes ne voient plus rouge. A mon avis, ils continuent toujours à prendre leurs ordres du Kremlin. Ils tombent sur Poutine, lequel ayant d'autres Tchétchènes à fouetter, les branchent directement sur le Vatican. On voit le résultat. Leur campagne électorale va encore être un franc succès.

      Cette église, selon notre maire, fait partie du patrimoine culturel de la ville, qu'on se le dise ! Elle fait, selon moi, surtout partie du patrimoine privé et cultuel. Auraient pu faire partie du patrimoine jardinier de la ville les anciennes serres du jardin de Maurepas, détruites et urbanisées. Que dire aussi du sort des marronniers centenaires des places Hoche et St Anne ? Arrachés à la fleur de l'âge, ils n'avaient sans doute pas eu le temps d'entrer dans le patrimoine rennais. Ils ont été remplacés par de petits arbres que nos arrières petits enfants pourront, peut-être, contempler adultes.
      Le phénomène inverse est observé en ce qui concerne l'église dite « bonne nouvelle » sur cette même place St Anne. De modeste chapelle à la fin du XIXème siècle, elle est devenue une immense et indigeste pièce montée qui, si elle avait été terminée, aurait envahi toute la place. Espérons que les choix patrimoniaux de notre maire n'iront pas jusqu'à encourager l'achèvement du prétentieux édifice. Quoique … Une sortie d'église à deux pas du métro, c'est tentant, ça peut faire venir la clientèle.

      Enfin, au cours de ce calamiteux conseil municipal, une personne s'est opposée au désir du maire. Une seule. Un conseiller municipal Radical de Gauche. Il fit au cours de son intervention toutes les objections que peut émettre un laïque républicain. Calmement, avec sang froid. Il lui en fallut lorsque à sa remarque : « Je n'ose imaginer une atteinte à la laïcité » notre maire l'interrompit d'un ton cassant : « Et bien, n'imaginez pas ! »
      Quand on se plaint du manque de discipline dans les collèges et quand on voit comment notre maire mène à la baguette ses conseillers, on se dit qu'il y a vraiment des talents gâchés.

      En attendant, il est réconfortant de rencontrer un homme de convictions qui a le courage de les défendre seul contre tous. Bravo Monsieur Puil ! J'avais complètement oublié que le Parti Radical de Gauche existait encore mais je me demande si je ne vais pas y adhérer.

      Nous avons des points communs : les Athées d'Ille et Vilaine ont été jusqu'à ce jour les seuls à protester auprès des conseillers municipaux. Un petit effort, camarades !

      Damathée 04 novembre 2001